AMÉRIQUE - Biogéographie

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AMÉRIQUE - Biogéographie

La répartition des animaux et des plantes peut être envisagée sous deux angles différents: l’un écologique, l’autre historique. La surface de la Terre présente une série de zones climatiques, symétriques de part et d’autre de l’équateur. Cette régularité zonale est cependant modifiée par les reliefs montagneux qui perturbent les courants atmosphériques à la surface du sol, et par l’influence de la mer. Mais dans toutes les régions du monde, pour des climats semblables, des types de végétation analogue abritent des animaux qui présentent des types d’adaptation comparables: ces ensembles bioclimatiques sont des biomes .

L’Amérique est formée de deux continents qui furent longtemps séparés. En particulier, du Paléocène au milieu du Pliocène – période où apparaissent de nombreuses formes modernes de mammifères et d’oiseaux – l’Amérique du Sud resta isolée, alors que l’Amérique du Nord communiquait largement avec l’Eurasie au niveau du détroit de Béring, et subissait une évolution parallèle à celle de l’ancien continent.

Le Nouveau Monde, en conséquence, apparaît divisé en deux royaumes: au nord le Néarctique, au sud le Néotropical, incluant l’Amérique centrale. Cet ensemble, qui s’étend jusqu’au voisinage des pôles, contient tous les types connus de climats, donc tous les grands biomes. Il est, de plus, parcouru par une grande chaîne montagneuse qui, contrairement aux chaînes de l’Ancien Monde, suit un trajet méridien ne s’opposant pas aux migrations nord-sud.

L’étude des grands biomes sera complétée par la mise en place des faunes et des flores.

1. Les principaux biomes (fig. 1)

Toundra

Le mot toundra, d’origine finnoise, désigne les terres ingrates de l’extrême Nord, caractérisées spécialement par le sous-sol gelé en permanence, ou permafrost. Malgré le peu de précipitations, l’évaporation étant faible, de nombreux marécages apparaissent en été. Cette zone recouvre une grande partie de l’Alaska et du Canada, les îles de l’océan Arctique et les parties côtières du Groenland libres de glaces.

La végétation est formée de mousses, de lichens, de linaigrettes, de graminées, de joncs, de plantes herbacées basses ainsi que de buissons. Les débris végétaux, peu décomposés en raison des basses températures, s’accumulent en un matelas épais et spongieux à la surface du sol.

Il y a peu d’espèces animales et végétales, mais les représentants de chacune d’elles sont très abondants: les essaims de moustiques qui naissent pendant l’été sont célèbres. Le bœuf musqué, autrefois commun, actuellement confiné dans certaines localités du Groenland et du Canada, et quelques petits mammifères, comme les lemmings, y vivent toute l’année. D’autres, comme le caribou et le renne, trouvent refuge en hiver dans la forêt de conifères plus au sud.

Parmi les végétaux, le lichen des rennes (du genre Cladonia ) est caractéristique. Certains Polytrichum et Sphagnum , des Carex , des Eriophorum , un Poa (herbe bleue) sont également trés répandus. On trouve encore des plantes aux fleurs plus colorées appartenant aux genres Ranunculus , Pedicularis , Saxifraga , Polemonium , Erigeron , Silene . Cette végétation est essentiellement pérennante, et son réveil printanier se produit à partir de souches. Son développement rapide en une soixantaine de jours s’explique par l’ensoleillement prolongé, bien que la moyenne mensuelle de température dépasse rarement 10 0C.

En Amérique du Sud, il n’existe pas de biomes correspondants, car l’extrémité du continent n’atteint pas le cercle antarctique.

Taïga

La grande forêt de conifères ou taïga s’étend du sud de l’Alaska et du Canada jusqu’au littoral nord-occidental des États-Unis. Les arbres sont surtout des sempervirents, épicéas et pins. Saules et bouleaux croissent au bord des eaux, et des peupliers caractérisent en général les zones brûlées.

Vers la toundra, les arbres deviennent chétifs, alors qu’au sud, la taïga se mêle à la forêt caducifoliée. Les peuplements d’épicéas et de sapins à sous-étage arbustif ou herbacé pauvre sont les plus abondants. On compte un grand nombre de mammifères, d’oiseaux et d’insectes dans tout ce biome, mais la vie animale devient plus variée sur la frange sud, de climat moins rigoureux. Certains oiseaux sont sédentaires, comme le lagopède (Lagopus mutus ), le beccroisé (Loxia ), friand des graines de conifères, quelques rapaces prédateurs (hiboux, faucons). Ils sont très voisins de leurs homologues de l’Ancien Monde. Au contraire, les nombreux migrateurs qui profitent de l’abondance des insectes en été appartiennent en général à des groupes très différents: les Parulidés, passereaux typiques du Nouveau Monde, tiennent la place des Sylviidés (fauvettes) de l’Ancien Monde.

Forêts tempérées caducifoliées

Vers le sud, les différences faunistiques et floristiques avec l’Ancien Monde s’accentuent. Les vestiges des forêts à feuilles caduques qui couvraient autrefois l’est des États-Unis, l’Europe et la Chine orientale, présentent une grande similitude dans ces trois régions, mais arbres et arbustes, mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, insectes sont presque toujours d’espèces et surtout de genres différents. Cette contrée jadis forestière, maintenant cœur des civilisations très évoluées, conserve peu de chose de la nature originelle.

La diversité, aux moyennes latitudes, est ou fut extraordinaire en fonction des climats (pluviosité surtout) et des sols. Les précipitations très fortes de la région du Puget Sound ont favorisé le développement d’une forêt ombrophile tempérée où dominent les conifères: Thuja plicata , Tsuga heterophylla , et, plus au sud, Sequoia semper virens .

En Californie, une végétation particulière se rattache au type « méditerranéen », avec des étés secs et des hivers humides. De vastes surfaces sont couvertes d’une formation arbustive, le « chaparral », où le « chamiso » (Adenostoma ) et le « manzanita » (Arctostaphylos ) sont les espèces les plus connues. Des chênes, en particulier Quercus dumosa , constituent des régions boisées où se mêlent des espèces à feuilles persistantes (Quercus Wislizenii et Quercus chrysolepis ).

L’est des États-Unis, à l’époque précolombienne, était couvert de forêts où dominaient le chêne (Quercus alba ), le noyer hickory (Carya ovata ), les peupliers, le hêtre (Fagus grandifolia ), l’érable (Acer saccharum ), la pruche de l’est (Tsuga canadensis ) et le pin blanc (Pinus strobus ), dans des proportions variables. Dans l’Ohio et l’Indiana, des associations érable-bouleau et hickory-chêne coexistaient en mosaïque. Cette forêt atteignait sa plus grande diversité dans le sud des Appalaches (Caroline du Nord et Tennessee) avec plus de 130 espèces d’arbres parmi lesquels des Magnolia et Liriodendron , localisés actuellement dans le sud-est des États-Unis.

Avec la destruction des forêts, beaucoup d’animaux ont disparu ou se sont raréfiés, tandis que les espèces des lisières, des clairières et des coupes s’accommodaient de la présence de l’homme et proliféraient. Le jour, selon les premiers explorateurs, la forêt était silencieuse et les chants d’oiseaux ne se manifestaient sans doute qu’à l’orée des bois; mais la nuit, d’après maints récits, les bruits s’élevaient: hurlements des loups, hurlements des hiboux, miaulements des pumas.

Dans l’hémisphère Sud, la forêt tempérée s’arrête au Chili méridional et à la Terre de Feu. Les arbres sont en majorité sempervirents et composent, comme au nord, une forêt tempérée ombrophile (pluviosité élevée). À côté de grands conifères (Podocarpus , Araucaria , Fitzroya , Libocedrus ) relativement localisés, existent aussi des Lauracées (Billota , Cryptocarya , Persea ), un genre de magnolia (Drimys ) et diverses espèces vicariantes du hêtre (Nothofagus ). Certains genres, comme Podocarpus et Nothofagus , se retrouvent dans les forêts tempérées de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. La vie animale est limitée: espèces locales de renards, daims et rongeurs. Les oiseaux sont encore nombreux malgré l’absence de beaucoup de familles caractéristiques de l’Amérique septentrionale (Néotropis).

Pinèdes

Dans le sud des États-Unis, les forêts décidues laissent place aux forêts de pins et, vers l’ouest, à la prairie. Ces deux formations, là où elles ne sont pas supplantées par les cultures, sont actuellement, pour une bonne part, maintenues par les incendies périodiques qui éliminent les plantes peu résistantes au feu. Il semble que ces incendies aient toujours sévi, occasionnés par la foudre ou, plus tard, par les Indiens. Parmi les espèces qui résistent le mieux, citons Pinus palustris , caractéristique du sud-est des États-Unis, et Pinus caribaea qui le remplace en Floride, en Amérique centrale et dans les Caraïbes. En Floride et dans les régions voisines croît le palmier Sabal palmetto , alors que dans le sous-bois domine le palmier nain (Sabal minor ) au tronc couché. Par places, si l’humidité le permet, les arbres sont drapés par une Broméliacée épiphyte, le Tillandsia usneoides ou « mousse espagnole ».

Là où le feu ne parvient pas, le chêne de Virginie (Quercus Virginiana remplace les pins (fig. 2). Les marécages côtiers du Sud-Est sont caractérisés par le cyprès chauve (Taxodium distichum ) et plusieurs animaux dont l’alligator américain. La seule autre espèce d’alligator actuellement en vie se trouve en Chine, sur le Yang-tseu.

Formations herbeuses

Ces formations de « rase campagne » correspondent à divers types de végétation assujettis aux diverses distributions pluviométriques: parc, savane, brousse, fourré prairie, steppe. L’action des feux provoqués par l’homme a, ici encore, une grande importance dans l’installation des espèces végétales actuelles; elle est plus problématique en ce qui concerne le passé.

Jadis, la prairie couvrait la plus grande partie de la plaine du Mississippi; de hautes herbes: Andropogon gerardi , Panicum virgatum , Sorghastrum nutans et Spartina pectinata poussaient aux endroits humides. De vastes troupeaux de bisons (Bison Americanus ) y paissaient avec le pronghorn (Antilocapra Americana ). Le lièvre (Lepus Californicus ) demeure commun, en partie grâce à la destruction de prédateurs comme le coyote (Canis latrans ). Les rongeurs fouisseurs, comme le gauphre (Geomys bursarius ) et le chien de prairie (Cynomys Ludovicianus ), sont caractéristiques de la prairie américaine ainsi que divers oiseaux: les cupidons (Tympanuchus cupido ), l’alouette des prés (Sturnella neglecta ), et l’alouette cornue (Eremophila Alpestris ).

La grande formation herbeuse à Eryngium , Cortaderia , Eriocaulon des steppes de Patagonie ne renfermait pas, à l’exception des petites hardes de guanacos (Lama huanacus ), de troupeaux de grands ongulés, avant l’introduction du bétail domestique; les viscaches (Lagostomus maximus ) remplacent les chiens de prairie, cependant que la niche écologique du lièvre est occupée par le cobaye de Patagonie. Les nandous (Rhea ) rappellent les autruches africaines et les émeus d’Australie (fig. 2).

Les llanos du Venezuela et les campos brésiliens représentent des savanes et des brousses comparables à celles de l’Afrique, sauf en ce qui concerne la faune. Il n’y a pas de grands troupeaux d’herbivores, et certains habitants des llanos paraissent d’immigration récente; ainsi en est-il d’un daim (Odocoileus gymnotis ) et d’un lapin (Sylvilagus orinoci ) qui viennent probablement du nord. Les grandes termitières alimentent le fourmilier géant Myrmecophaga tridactyla .

Le long des cours d’eau s’établissent des forêts galeries qui regroupent une faune et une flore semblables à celles de la forêt humide.

Déserts

La définition, assez arbitraire, s’applique aux régions de moyenne ou basse latitude où les précipitations annuelles sont, en général, inférieures à 250 mm. Deux des plus grands déserts appartiennent au Nouveau Monde: Colorado et Sonora en Amérique du Nord, Atacama et désert péruvien le long de la côte pacifique de l’Amérique du Sud, ces derniers totalement azoïques en certains points.

Le problème de la vie au désert est l’approvisionnement en eau: plantes et animaux ont acquis des adaptations permettant d’absorber la moindre trace d’humidité puis de stocker et d’économiser cette eau.

Les régions désertiques du sud-ouest des États-Unis et du nord du Mexique ont une végétation particulièrement abondante, et variée. Parmi les succulentes, les Cactacées, groupe rigoureusement américain, comprennent plus de 1 700 espèces en général adaptées au milieu aride ou semi-aride. Les plus spectaculaires sont les « candélabres » ou « tuyaux d’orgue » Cereus marginatus . À noter aussi les agaves et yuccas (Liliales ) dont certains, le Yucca brevifolia ou arbre de Josué, atteignent plusieurs mètres. Les espèces buissonnantes épineuses comme le créosotier (Larrea tridentata ), des armoises (Artemisia tridentata ou sagebrush), présentent par contre des systèmes radiculaires très étendus et profonds.

La vie animale, étonnamment abondante dans ces régions désertiques, est surtout nocturne, quoique plusieurs espèces de lézards soient actives durant le jour. Les rongeurs, comme le rat-kangourou (Dipodomys ) et le Perognathus , sont caractéristiques: enfouis dans leurs terriers frais pendant le jour, ils peuvent vivre normalement de graines sèches sans jamais boire.

Forêts tropicales

Ces forêts de basses et moyennes altitudes dépendent entièrement de la quantité et de la distribution des précipitations pluviales. Lorsque celle-ci sont importantes (2 500 mm par an ou davantage), sans saison sèche marquée ni prolongée, la végétation forme une forêt ombrophile ; la plus grande et la plus dense de toutes est celle du haut Amazone et de l’Orénoque, qui se prolonge au nord en Amérique centrale, à l’ouest vers la côte pacifique et dans le sud-est du Brésil, en bordure de la côte atlantique.

Le trait majeur de cette forêt est la diversité floristique et faunistique. Les conditions de vie ne peuvent être meilleures: chaleur, humidité, luminosité ne varient guère au cours de l’année. Sur deux hectares, dans la région de Belém au Brésil, il a été dénombré 49 espèces d’arbres de plus de 30 mètres de haut, 83 espèces de plus de 8 mètres, 7 espèces de plus de 2 mètres, et 22 espèces moins grandes; plus de 30 espèces de lianes, 20 épiphytes; enfin 8 espèces étaient en bourgeons près du sol ou en dessous. Ce qui frappe l’observateur venant d’une contrée à saisons marquées, c’est l’absence de plantes annuelles.

D’autre part, le classement des plantes selon leur taille fait ressortir un second trait, la stratification du milieu. Les études écologiques portant sur les forêts ombrophiles montrent que les habitants de la strate supérieure sont différents de ceux des strates moyenne et inférieure, eux-mêmes différents de ceux qui vivent au niveau du sol. La densité de ces strates superposées ne laisse pénétrer que peu de lumière, ce qui limite la croissance des espèces buissonnantes et herbacées, comme on vient de le voir.

De même, la vie animale atteint son développement maximal dans les branchages. On ne peut guère donner de statistiques concernant la faune, encore mal connue: les insectes n’ont pas été entièrement inventoriés et des espèces nouvelles peuvent être découvertes. L’étude la plus méticuleuse de la stratification animale concerne les oiseaux de la forêt ombrophile du Costa Rica: 14 espèces vivaient principalement ou entièrement au sol et 6 y venaient régulièrement; 18 espèces se trouvaient dans la strate arbustive; 59 dans la partie inférieure de la strate arborescente; 67 dans la partie moyenne et 69 dans sa partie supérieure. Une étude des mammifères forestiers de la Guyane britannique a mis en évidence 31 espèces dans les arbres contre 23 au sol. Il existe même une importante faune aquatique au sommet des arbres: des cavités, dans les troncs, retiennent l’eau, et chez beaucoup de Broméliacées, les bases foliaires emboîtantes constituent des réservoirs permanents ou « marécages suspendus ». Plusieurs espèces d’insectes (dont des moustiques, des libellules) s’y reproduisent, de même que plusieurs grenouilles, salamandres, etc.

Dans les régions moins pluvieuses ou à périodicité pluviométrique marquée, d’autres types de forêts apparaissent et différentes classifications ont été proposées à leur égard. Là où il y a une longue saison sèche, beaucoup d’arbres perdent leurs feuilles, cependant que les animaux, comme les plantes, doivent s’adapter à la sécheresse. C’est la « forêt des moussons » particulièrement caractéristique de la côte pacifique de l’Amérique centrale; on pourrait y rattacher également la forêt tropicale du Sud-Est brésilien jusqu’au Parana. Dans les zones à précipitations plus faibles, cette forêt passe à une végétation buissonnante à plantes souvent épineuses: c’est la « brousse épineuse » fréquemment parsemée de savanes herbeuses.

Pour tous les animaux, le problème est d’assurer l’estivation; un poisson, le Lepidosiren des marécages du Chaco, par exemple, survit dans un cocon de boue séchée, tous processus physiologiques suspendus. On décrit même des espèces « annuelles » qui disparaissent avec le dessèchement des marécages, mais dont les œufs survivent jusqu’au retour des pluies.

Zones montagneuses

Sa densité diminuant avec l’altitude, l’air retient moins la chaleur solaire et se refroidit, ce qui produit un gradient de température en montagne: dans les Andes équatoriales, la moyenne annuelle tombe de 0,55 0C pour chaque élévation de 107 mètres.

En raison de l’orientation nord-sud des montagnes américaines, les plantes et les animaux arctiques et subarctiques se sont répandus vers le sud en haute montagne. Dans la zone tempérée, les forêts peuvent alors se comparer à la taïga, au-dessus de la limite des arbres, la végétation ressemble à la toundra.

Les variations de température en altitude diffèrent beaucoup de celles qui dépendent de la latitude, car l’effet de l’altitude n’est pas affecté par les saisons. Sous les tropiques, la diminution des températures est telle que, pour une altitude donnée, la température annuelle en varie guère. Les formations végétales et les conditions de la vie animale dépendent beaucoup, dans les régions montagneuses, des climats locaux: le versant occidental sec des Andes contraste par exemple avec le versant oriental humide.

Dans les régions où les précipitations sont élevées, la forêt ombrophile, qui est celle des pluies, passe graduellement à la forêt « des nuages », entre 900 et 1 500 mètres. Dans cette atmosphère brumeuse, fraîche, mais humide, se développe une riche végétation où les mousses, les fougères, certaines épiphytes (Orchidées, Broméliacées) sont luxuriantes. Vers 2 400 ou 2 700 mètres, les températures se sont abaissées au point où la croissance des plantes ligneuses se trouve freinée; c’est la zone des arbres nains (ceja). Leur limite, sous les tropiques, se situe vers 3 600 mètres. Au-dessus, les herbacées forment une végétation analogue à la toundra. Mais, en raison du peu d’ampleur des variations saisonnières, la faune s’y trouve dans des conditions bien différentes de celles des hautes latitudes. Des termes locaux (puna au Pérou, paramo en Colombie) désignent ce milieu spécial. Les neiges éternelles se situent entre 4 500 et 5 000 mètres.

Eaux douces

En Amérique du Nord, on compte au total 600 espèces de poissons, dont 260 pour le bassin du Mississippi. Beaucoup appartiennent aux mêmes familles que les poissons d’eau douce d’Europe. Les Grands Lacs, avec une superficie de 247 300 km2, forment le plus vaste réservoir d’eau douce du monde. On y trouve notamment la truite Salvelinus namaycush , diverses espèces de corégones, l’esturgeon (Acipenser ).

L’Amérique du Sud, avec près de 2 000 espèces, possède la faune ichtyologique d’eau douce la plus riche du monde. La majorité vit dans les grands systèmes fluviaux: Orénoque, Amazone, Parana, Paraguay. On peut comparer cet ensemble à une mer intérieure qui draine le tiers du continent.

Les poissons-chats sud-américains (Siluroidea ) sont classés en douze familles différentes et constituent plus de la moitié de la faune ichtyenne. Le plus connu est le gymnote, (Electrophorus electricus ); grand poisson de 2 mètres, dont la décharge atteint 600 volts. Presque aussi connus que les poissons-chats sont les carassins (Characidae ) où l’on range le plus fameux des poissons de la Néotropis, le féroce piranha (genre Serrasalmus , 4 espèces). Plusieurs espèces de raies à aiguillons venimeux caractérisent le système Amazonie-Orénoque et atteignent le versant oriental des Andes. Il existe encore des dauphins d’eau douce (Inia geoffrensis ), et des requins ont été capturés à plus de 3 000 km de la mer, à Iquitos.

2. Aspects historiques

Le royaume néotropical ou Néotropis

L’isolement de l’Amérique du Sud, véritable île séparée des continents eurasiatique et nord-américain pendant des millénaires, a déterminé l’apparition de formes biologiques extrêmement originales, tout comme en Australie (fig. 2). On y trouve d’ailleurs aussi des Marsupiaux: 14 genres (contre 64 en Australie) dont l’opossum, qui pénètre en Amérique du Nord. Ces marsupiaux de la Néotropis sont petits et discrets, bien que, avant la formation du pont continental du Pliocène moyen, ils aient été nombreux et de taille considérable. Certains d’entre eux, carnivores, rappelaient par leur allure l’hyène ou le loup. Thylacosmilus avait d’énormes canines en lame de sabre. Ils se sont sans doute éteints par suite de la compétition établie avec les mammifères d’origine nordique qui s’infiltrèrent dès le Pliocène supérieur.

Les particularités du royaume néotropical apparaissent bien en analysant la distribution des petits animaux. Parmi les moustiques, par exemple, 23 groupes (sous-genres) sont spéciaux à l’Amérique du Sud et aux terres avoisinantes. Par comparaison, on n’en compte que 11 groupes en Australie et 4 en Éthiopie.

Deux familles de plantes supérieures sont strictement d’origine néotropicale (malgré leur extension ultérieure plus au nord): ce sont les Broméliacées (2 000 espèces dont une seule d’Afrique occidentale, Pitcairnia feliciana , et les Catacées (presque aussi riches en espèces), qui ont gagné l’Amérique du Nord et ont été naturalisées dans le monde entier sous climat chaud.

L’Amérique du Sud est bien nommée le « continent des oiseaux », car on y compte les deux cinquièmes de l’avifaune mondiale: 3 500 espèces sur 8 600 actuellement décrites. Sur les 155 familles d’oiseaux, 89 ne sont connues qu’en Néotropis ou ont des représentants occasionnels dans le royaume néarctique. Parmi eux sont les oiseaux-mouches (sur 319 espèces connues, 18 ont été trouvées jusqu’aux États-Unis), les fourniers (Furnariidés, 215 espèces), les tanagras (Tanagridés, 222 espèces), des tyrans « gobe-mouches » (365 espèces) et des fourmiliers (Formicariidés, 222 espèces).

L’histoire paléontologique de certains groupes de mammifères (et de quelques reptiles) est mieux connue que celle d’autres animaux terrestres et forme un fil conducteur pour l’étude des affinités zoologiques. On doit toujours se souvenir pourtant que différents groupes d’animaux ont divers moyens de dispersion et que les modes de distribution sont loin d’être semblables d’un groupe à l’autre.

Le paléontologiste G. G. Simpson divise les mammifères sud-américains en trois groupes: les « ancêtres », qui ont évolué au cours de l’isolement continental; les « sauteurs d’ îles », qui ont utilisé les îles apparues à diverses époques dans les mers environnantes pour gagner la Néotropis; enfin les « nouveaux venus », qui sont entrés après l’établissement du pont continental. L’application de cette classification à des animaux comme les oiseaux et les insectes, au moyen de documents paléontologiques, fragmentaires, est difficile, mais plausible.

Les survivants de la faune néotropicale d’avant le Pléistocène comprennent les marsupiaux, les paresseux, les fourmiliers et les tatous. Seules deux espèces arboricoles de paresseux ont survécu; jadis, des formes terrestres, souvent de grande taille, abondaient; l’un, le Megatherium , dépassait l’éléphant avec ses six mètres de long.

L’Amérique du Sud a une importante faune de rongeurs dont plusieurs groupes si originaux qu’ils peuvent difficilement être considérés comme issus d’une évolution postérieure au Pliocène. Le cabiai, qui est le plus gros rongeur vivant, en est un exemple. Parmi les mammifères qui sont trop modernes pour être les vestiges des temps paléocènes et trop particuliers pour être de nouveaux venus, on doit citer essentiellement les singes.

Singes américains et ouistitis forment deux familles de Primates bien différentes des singes de l’Ancien Monde. Ils ont logiquement dû évoluer sur place à partir d’ancêtres de type lémurien arrivés par des chapelets insulaires pendant l’Éocène (des fossiles de ce type ancestral éventuel sont connus en Amérique du Nord à cette époque).

Les nombreux Canidés, les Cervidés et le seul ours de la Néotropis descendent probablement d’ancêtres venus du nord dès le Pliocène. Il n’est pas exclu cependant que des animaux aussi particuliers que le kinkajou (famille des racoons) aient une vieille ascendance locale.

Les Antilles

Les îles se classent en général en deux catégories: les unes continentales – parcelles détachées d’un continent – telles que Java, Sumatra, Bornéo, les autres océaniques, telles les îles Hawaii et les Galapagos qui possèdent une faune particulière et limitée.

Les Antilles ne se définissent pas aussi facilement. Elles sont presque entourées par les continents américains (il y a un peu plus de 160 km de l’extrémité ouest de Cuba au Mexique). Il est clair qu’il n’y a eu aucune connexion récente avec le continent: la faune de Cuba et des autres grandes îles est restreinte et, en partie, spéciale; les mammifères, par exemple, sont presque tous des rongeurs ou des chauves-souris. Il n’y a pas de carnassiers indigènes. Beaucoup de groupes d’oiseaux ou de papillons caractéristiques de la Néotropis font défaut.

Que les Antilles aient eu des liaisons avec le continent, c’est un point discutable, car la faune et la flore actuelles semblent dériver d’ancêtres arrivés par mer. Toutefois, l’île de Trinidad doit être considérée à part comme une île continentale dont les biomes se rapprochent de ceux de l’Amérique du Sud.

Le royaume néarctique ou Néarctis

La similitude des plantes et des animaux de l’Amérique du Nord et de l’Eurasie incline les biologistes à grouper ces deux ensembles dans le seul royaume holarctique. Plus généralement, on distingue la Néarctis et la Paléarctis, distinction fondée sur la présence dans la Néarctis d’éléments tropicaux venus de l’Amérique du Sud. Le pont terrestre, établi dès le Pliocène, a permis naturellement un courant dans les deux sens; cependant, il semble, du moins pour les mammifères, que les migrations sud-nord soient plus importantes que dans le sens inverse.

Il est impossible de délimiter de façon précise la Néarctis et la Néotropis, bien qu’on ait coutume de faire passer la limite au milieu du Mexique. Des mammifères tels que les tatous, les pécaris, les coatis (proches des racoons) atteignent le sud des États-Unis, et l’opossum s’étend maintenant au nord jusqu’au Connecticut et au Michigan (fig. 2). Beaucoup d’oiseaux migrateurs appartiennent à des groupes qui sont, par ailleurs, entièrement néotropicaux. Des papillons et d’autres insectes typiquement tropicaux, ainsi que beaucoup de plantes atteignent le sud de la Floride et du Texas.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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